Pourquoi pas la grève reconductible ?

Cela fait maintenant plusieurs mois que le prolétariat est mobilisé pour obtenir le retrait de la contre-réforme de nos Retraites imposée par le gouvernement.

L’intersyndicale unie comme jamais depuis longtemps a permis de mobiliser largement les travailleurs et travailleuses y compris dans des déserts syndicaux où on n’a pas l’habitude de faire grève.

A partir du 7 mars, les confédérations Solidaires et CGT ont appelé à la grève reconductible. Dans le secteur ferroviaire, toutes les fédérations ont appelé à la grève reconductible. Dans l’Energie et le Pétrole, la fédération majoritaire CGT a appelé à la reconduction.

Malgré la préparation et le soutien des confédérations de lutte, la grève reconductible s’est limitée à ces secteurs. Des bastions syndicaux comme la Santé, l’Education, les territoriaux, la RATP… n’ont pas réussi à se mettre massivement en grève reconductible.

Pourquoi la grève reconductible ne s’est pas élargi à d’autres secteurs que ceux qui s’étaient déjà mobilisé en 2019 ? (et encore sans la RATP)
Quels sont les freins qui retiennent des équipes syndicales pourtant actives dans leurs secteurs de pouvoir entraîner les collectifs de travail dans la grève longue ?

Le mieux seraient que les militants des secteurs concernés nous expliquent leurs difficulté eux-mêmes et nous les invitons à écrire le bilan de cet échec.

Dans tous les cas, nous voyons quelques pistes.

La recette de la grève reconductible

Pour partir en grève reconductible, c’est plus simple qu’en on a l’habitude de le faire. Par exemple dans le secteur ferroviaire, les fédérations cheminotes n’ont pas de mal à lancer un mouvement prolongée car les cheminots ont l’habitude depuis plusieurs décennies de mener des grèves longues et de les tenir.

Depuis la grève pour les retraites de 2019-2020, des caisses de solidarité sont régulièrement mis en place pour collecter de l’argent et soutenir les grévistes. Dans le ferroviaire même si cela n’efface pas totalement la perte de salaires, ça permet d’atténuer le sacrifice financier et de plus facilement partir et repartir en grève.

Une forte tradition syndicale et un syndicalisme de masse, actif au quotidien avec les travailleurs permet de construire des collectifs de travailleurs solidaires et prêt à lutter ensemble. La syndicalisation de masse est un levier pour mobiliser pour la grève. Les travailleurs ont confiance dans leurs syndicats qui sont des outils pour les défendre et ils savent qu’il faut répondre à l’appel pour se mobiliser car c’est ce qui permet au syndicat d’être une force qui défend le collectif face aux attaques patronales.

La motivation. C’est indispensable pour arriver à mobiliser. Tous les travailleurs ne sont pas tous combatifs y compris dans les syndiqués. Mais si les fédérations syndicales appellent à la grève reconductible et que les équipes syndicales mobilisent par des tournées syndicales, elles peuvent alors entraîner les travailleurs y compris hésitants dans l’action.

La motivation est d’ailleurs primordiale. C’est elle qui explique que des travailleurs sans-papiers qui risquaient l’expulsion du pays ont osé se mettre en grève pour leur régularisation.

Les exemples de salariés de boites privées sans grosse tradition syndicale qui sont capables de faire grève plusieurs jours pour les salaires se multiplient.

Ces exemples montrent que la grève reconductible est possible partout quand les conditions sont réunies.

La meilleure préparation, c’est la syndicalisation dans toutes les entreprises et tous les secteurs. La présence du syndicat qui organise les travailleurs et crée un collectif solidaire permet de développer les capacités de mobilisation. C’est d’ailleurs tout un travail d’organisation préalable des travailleurs sans-papiers qui a permis les grèves de ces dernières années parmi ces travailleurs précarisés.

Pas de raccourci à la grève généralisée

Comme à chaque grand mouvement social, des militants essaient de multiplier les actions pour gagner face au gouvernement et au patronat. Après l’échec de la grève reconductible, on a vu se multiplier les différentes actions : les blocages des accès routiers, d’entreprises stratégiques comme les bus ou les poubelles, les assemblées générales interpro, les manifestations à répétition, les casserolades…

Ces blocages n’ont pas le même impact que la grève généralisée. Ils ne bloquent pas durablement la production ni le pays. Ce sont des piqûres de moustique pour le capitalisme.

Il n’y a malheureusement pas de raccourci à la grève généralisée. Aucune action même la plus réussie ne peut s’y substituer. D’ailleurs Macron n’a pas peur de le dire dans les médias et d’imposer sa réforme à coup de répression et de passage en force dans les institutions.

Les actions sont souvent bonnes pour le moral des militants. Elle permettent de créer du collectif et d’exprimer sa colère, ce qui évidemment fait du bien. Mais souvent elles ne mobilisent que les plus militants du mouvement social et n’élargissent pas la mobilisation comme l’appel unitaire des confédérations syndicales a réussi à le faire au début.

Pour l’instant nous n’avons pas réussi à lancer la grève reconductible généralisée. Comme nous l’avons dit, il faut beaucoup plus de syndicalisation pour y arriver et aussi renforcer les syndicats existants pour pouvoir lancer la grève reconductible. Une majorité des travailleurs sont aujourd’hui dans des déserts syndicaux notamment dans les petites entreprises et le syndicalisme ne touche pas suffisamment les précaires, intérimaires, les secteurs féminisées…
Faire reculer les déserts syndicaux et renforcer nos syndicats doit être une priorité pour ceux qui veulent gagner face au patronat et au gouvernement.

Il faut profiter de ce mouvement pour organiser de nouvelles sections syndicales là où il n’y en pas aujourd’hui. Dans pleins d’entreprises des travailleurs ont osé se mettre en grève pour la première fois à l’appel de l’intersyndicale unie. Il faut aller voir tous ses salariés et les aider à construire de la syndicalisation dans leur entreprise.

En renforçant nos syndicats, nous construisons les marches de l’escalier qui nous permettra d’atteindre le niveau de la grève généralisée. Il suffit de faire des tournées syndicales et d ‘aller discuter avec les salariés dans les manifs, dans les entreprises ou à leur porte et de leur présenter le syndicat. L’opinion des salariés n’a jamais été aussi favorable aux syndicats récemment. C’est le moment d’en profiter pour proposer l’adhésion.

Construisons l’avenir, accumulons des forces pour gagner

Si nous ne mettons pas un maximum de nos forces militantes dans cet objectif de syndicalisation et renforcement alors nous risquons de ne pas progresser dans ce mouvement.

Si nous n’accumulons pas de nouvelles forces militantes dans nos syndicats, nous ne pourrons pas plus mobiliser ni mieux mobiliser à l’avenir. Ce serait alors le chat qui se mord la queue.

Nous n’arriverions pas à généraliser la grève et nous tournerions encore en rond sans gagner.

Un Réseau pour la grève générale ?

Une organisation politique trotskyste a lancé un Réseau pour la grève générale.

Elle déclare s’opposer à l’intersyndicale nationale qui n’aurait pas la bonne méthodologie pour gagner : « Il est temps d’avoir un véritable plan de bataille. […] On met en avant la seule stratégie qu’on pense possible et gagnante, la grève reconductible. »

Le problème est que dans 2 services de la SNCF où cette organisation politique a de l’influence, elle n’a pas construit la grève reconductible interpro.

Au Nord de Paris, Révolution Permanente (RP) a mobilisé pour une prime locale qui a été obtenue pendant que les autres cheminots se battaient pour les retraites de tous.

A l’Ouest de Paris, un atelier s’est mis en grève reconductible après l’usage du 49.3 par le gouvernement le 16 mars alors que les cheminots de toute la France étaient massivement en grève reconductible depuis le 7 mars.

L’avant-garde « révolutionnaire »  aurait-elle un gros train de retard ?

Ce n’est pas une crise de direction du mouvement syndical qui se pose aujourd’hui contrairement à ce que martèle RP. Nous avons un manque de militants syndicaux pour faire vivre nos syndicats et impulser un syndicalisme de lutte autogéré et un manque de syndiqués dans les déserts syndicaux et dans les syndicats déjà existants qui sont trop souvent institutionnalisés autour des élus du personnel.

Le meilleur réseau pour la grève générale, c’est d’avoir un syndicalisme actif et présent dans un maximum d’entreprises pour généraliser la grève. La tâche des révolutionnaires devraient être de se consacrer à développer la syndicalisation dans les déserts syndicaux en renforçant les structures interprofessionnels de nos syndicats.

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